Travail & couple: l'équation impossible?
- clairebaratte
- 13 mai
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 23 heures

Est-il vraiment possible de concilier dans un couple un travail épanouissant pour chacun et une vie de famille comblée?
Bien sûr, me direz-vous.
Mais à votre avis, qui en fait les frais?
Et bien, malheureusement, c’est souvent le couple.
L'investissement dans le travail et l'investissement dans la vie familiale et sociale demandent parfois tellement d'énergie qu'il n'en reste plus pour nourrir la relation qui a pourtant été au fondement de l'aventure conjugale.
Je pense à Esther et Romain* que j'accompagne en ce moment. Ils ont deux filles en âge scolaire. Esther me confiait récemment : "notre vie quotidienne est hyper bien organisée. Dès que le réveil sonne, je sais que c'est reparti. Je rêve déjà de mon lit le soir. On court toute la journée, travail, conduite des enfants, repas, linge, derniers mails à envoyer. A 21h30, quand tout est à peu près bouclé, on s'écroule dans le canapé, on n'a même plus l'énergie de se parler. Comment voulez-vous qu'on prenne du temps pour notre couple?"
Prendre du temps pour son couple, ça semble une évidence, et c'est pourtant si difficile quand la fatigue et le rythme du quotidien prennent le pas sur notre envie d'être à deux.
On ne peut pas ne pas aller au travail, ne pas gagner sa vie, ne pas donner à manger à ses enfants ou oublier de les récupérer à l'école, mais on peut toujours rogner sur un bout de soirée à deux. Parce que l'autre comprendra, parce qu'on sait qu'il nous connaît, qu'il nous aime, qu'il peut l'accepter. On trouvera toujours un autre moment plus tard, il y aura d'autres occasions...
Récemment je lisais le dernier livre du sociologue Antoine de Gabrielli (S'émanciper à deux, le couple, le travail et l'égalité), un ouvrage passionnant qui montre comment le monde du travail tel qu'il fonctionne aujourd'hui exacerbe les difficultés des couples et explique fortement l'explosion du nombre de divorces.
Il montre notamment combien les couples, lorsqu'ils deviennent parents, se retrouvent en compétition sur la question du travail et du temps disponible. Quelle carrière prioriser? Quel parent pour s'occuper principalement des enfants? Quelle répartition des tâches domestiques ? Comment gérer les imprévus dans une vie de famille réglée au millimètre?
Un exemple que me donnait Romain illustre cette tension dans le couple au sujet du travail de chacun: "On a reçu un mail pour annoncer une grève de cantine. J'ai fait le mort car je savais qu'Esther allait vouloir que je récupère les filles. Elle me dit: "pourquoi ce serait toujours moi qui m'y colle"? Mais moi, je ne peux pas quitter mon boulot à 11h15 en pleine matinée, c'est juste impensable. On a fini par se disputer le soir...Elle m'a ressorti toutes les fois où je n'avais pas été là, tous les congés qu'elle avait dû prendre pour s'occuper des enfants." Cet imprévu, c'est le grain de sable dans les rouages dont parle Antoine de Gabrielli, qui fait vaciller tout l'équilibre conjugal et familial, cet assemblage d'impératifs complexe et fragile.
Dans ce livre, le sociologue propose une réflexion très riche sur la question de l'égalité et du travail dans le couple, mais aussi des pistes concrètes pour repenser le travail du couple afin de le mettre au service de l'épanouissement familial, conjugal et personnel.
Autrement dit, il nous invite à nous demander comment ne pas laisser le travail prendre toute la place dans notre couple au détriment de notre relation, ni le laisser nous diviser, dans une compétition stérile de l'un contre l'autre. Au contraire, il nous propose des clés pour faire de notre travail le support d'une relation de couple équilibrée et heureuse.
Je vous recommande vivement cette lecture.
*les prénoms et les situations ont été modifiés pour préserver la confidentialité des entretiens garantie aux personnes que j'accueille dans le cadre professionnel.
Bravo et merci Claire ! Oui, il faut aussi organiser et programmer son temps de couple qui ne peut pas être la variable d'ajustement dans nos vies.