Charge mentale: faire de la place à l'autre
- clairebaratte
- 7 avr.
- 3 min de lecture

Quelle place laissons-nous réellement à l’autre au sein de notre couple ?
Que ce soit dans le domaine de la gestion quotidienne de la maison, ou dans celui de la charge parentale, j’entends beaucoup de femmes déplorer combien leurs hommes s’impliquent peu, ou mal. Elles sont profondément déçues dans leurs attentes d’un conjoint « à la hauteur », qui ferait les choses intuitivement, facilement, et idéalement de la même façon qu’elle !
Je vais ici parler des femmes bien que le propos puisse tout à fait s’inverser et que la question mérite également d’être posée aux hommes. Mais ce que nous observons dans nos accompagnements de couple, ce que nous donne à voir la société avec ce sujet de la charge mentale nous parle d’abord de l’épuisement des femmes.
Quand Vinciane* me dit : je n’en peux plus qu’il se carre dans son fauteuil en attendant que j’aie fini de préparer à manger pour tout le monde », je l’interroge sur ce qu’elle aimerait plutôt. « Je suis tellement crevée le soir, me répond-elle, j’enchaîne mon travail avec la sortie du périscolaire, je cours jusqu’à la maison, les devoirs, les bains…Je rêve qu’il se mette aux fourneaux à son retour pour que moi, je puisse souffler ! ». J’apprends de Jonathan, son mari, qu’il a tenté, à une époque, de prendre le relais à la cuisine, mais que ça n’allait jamais. « Pas assez réactif »… On ne passait pas à table assez vite, les enfants étaient fatigués. « Pas assez de légumes », trop de féculents… ça n’était pas assez équilibré. « Pas capable de faire deux choses à la fois »… Pourquoi tu ne peux pas faire réciter sa table de multiplication au petit pendant que tu surveilles les pâtes, c’est si compliqué ? Bien évidemment, Jonathan s’est retranché prudemment de la cuisine, échaudé par cette expérience.
L’exemple peut paraître caricatural, mais il est pourtant véridique…
A quelles conditions acceptons-nous, dans notre couple, de partager, de déléguer, de faire confiance ?
Notre besoin de pouvoir nous appuyer sur l’autre, de faire équipe avec lui, entre parfois en compétition avec notre besoin de contrôler, de maîtriser, d’imprimer notre marque sur l’éducation des enfants, sur la tenue de la maison, sur la façon de plier le linge ou encore de ranger les assiettes dans le lave-vaisselle.
Il est bon de s’interroger sur les raisons qui nous poussent à vouloir maîtriser ces éléments au mépris, parfois, de notre fatigue et de notre équilibre.
Quand je demande à ces femmes, ces mères épuisées, si elles ont demandé de l’aide à leur conjoint, si elles envisageraient de se défaire de telle ou telle partie de leur charge mentale, elles répondent souvent : « oui mais ». L’objection arrive avant la recherche de solution.
Et pourtant… Suis-je vraiment obligée d’habiller moi-même les enfants le matin, ou bien suis-je mal à l’aise avec l’image de la mère que je montre si je laisse mon conjoint habiller n’importe comment la petite dernière ? Pourquoi suis-je prête à me mettre en colère s’il s’occupe des courses et qu’il revient avec des choses qui n’étaient pas dans ma liste mais qui lui font plaisir à lui ? Puis-je envisager de le laisser aller à la réunion parents - professeurs à ma place au risque qu’il ne plaide pas la cause de mon fils comme moi, je l’aurais fait ? Qu’est-ce que je projette sur mon enfant de mon rapport passé à la scolarité ?
Aucun travail sur une meilleure recherche d’équilibre des tâches dans le couple ne pourra faire l’économie de ce questionnement sur nous-mêmes. Accepter de faire confiance à l’autre nous fait courir le risque de l’inconfort : l’’inconfort de faire plus de place à celui ou celle que nous aimons, de travailler sur nos peurs et nos freins, d’accepter de nous laisser bousculer par ce qu’il a de différent. Mais c’est aussi une grande opportunité de richesse et de croissance pour notre couple.
* les prénoms et les situations ont été modifiés pour préserver la confidentialité des entretiens garantie aux personnes que j'accueille dans le cadre professionnel.
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